Nous constatons que l’engagement syndical des cadres pour une prise de mandat est loin d’être une évidence. Rencontre avec un élu CGT afin de lever les craintes et répondre à cette fameuse question : Comment concilier mandat et activité professionnelle ? Entretien avec Vincent Noirbusson, responsable Service recensement, Attaché territorial depuis 16 ans, élu CAP A de la Ville de Nantes, collectivité de 3714 agents
Tu sièges en CAP depuis 2014 et tu es candidat pour un nouveau mandat. Est-ce difficile pour un cadre de se syndiquer à la CGT ? Comment cela a été pris par ta hiérarchie ?
J’ai la chance d’être dans une direction municipale où je ne perçois pas de réticences par rapport à mon engagement militant. Je suis même régulièrement interpellé pour des conseils sur le déroulement de carrière de mes collègues cadres.
Je n’ai pas eu la sensation d’être clairement mis en retrait par rapport à telles ou telles décisions pour lesquelles, par ailleurs, je devrais « batailler » dans le cadre syndical.
La CGT n’a pas l’image d’être faite pour les cadres. Qu’est-ce qui t’a fait choisir la CGT ?
Dans ma famille l’engagement collectif a un sens très fort. Je ne pouvais pas imaginer rester loin du militantisme ! Dans la collectivité, je n’ai pas toujours été syndiqué, mais dans mon service j’avais des militants CGT et j’ai beau-coup apprécié leur probité, leur engagement sans réserve, leurs connaissances des dossiers. Lorsque j’ai décidé de m’engager, c’est d’abord cette rigueur et cette volonté d’agir pour l’intérêt de tous et qui m’ont « naturellement » fait choisir la CGT et puis le fait que la section UFICT de la Ville a toujours été très active.
Se pose toujours pour les cadres la question du « devoir de loyauté », de « réserve »… Les devoirs de loyauté et de réserve s’appliquent à toutes et tous les fonctionnaires.
Dans mon parcours dans la collectivité, j’ai eu la chance de développer des projets transversaux, et je crois être connu pour ma capacité ne pas mélanger ce qui ne doit pas l’être ! Je n’abandonne bien entendu jamais mes convictions, et je sais dire les choses qui ne me semblent pas justes, néanmoins je suis un cadre loyal. Et ce qui se dit ou se décide dans certaines instances stratégiques relève pour moi du poste que j’occupe.
Le système d’évaluation étant de plus en plus individualisé, est-ce risqué pour la carrière de prendre un mandat CGT ? Les délégués syndicaux sont-ils, comme beaucoup l’imaginent, beaucoup moins promus ?
J’aimerais pouvoir dire que l’engagement syndical est sans risque sur le déroulement de carrière et même que les compétences acquises dans l’engagement militant sont reconnues par la collectivité… Mais force est de constater que ce que j’ai obtenu pour d’autres collègues ou pour moi-même, j’ai toujours dû monter aux créneaux pour l’avoir !
Bien entendu cela n’est sûrement pas le fruit du hasard. Maintenant il ne faut jamais oublier que les textes, et pour l’instant le statut, protègent tout le monde !
Répression syndicale ?
Répression, c’est peut-être un mot connoté. Dans la FPT tout est beaucoup plus « feutré »…
Spontanément c’est le terme de « mépris » qui me vient à l’esprit. Cette attitude prend diverses formes. Quand des élus ou des dirigeants de la collectivité ne sont pas attentifs lors de nos interventions, le report incessant et unilatéral de réunions programmées, les petites phrases qui laissent penser que notre avis n’est jamais
bien sérieux… Tout cela est, qu’on le veuille ou non, violent et irrespectueux, car nous sommes aussi des élu.e.s ! Mais nos dirigeants surfent sur la mode actuelle qui autorise un comportement méprisable vis-à-vis du syndicalisme et plus encore pour toutes les actions collectives de la CGT. De nos jours dans les collectivités les RH n’ont plus rien d’humaines !
L’activité syndicale est considérée comme chronophage. Comment fais-tu pour concilier mandat et activité professionnelle ?
(Rire), on peut aussi ajouter au triptyque… vie familiale ! C’est le lot de tous ceux qui s’engagent… Mais à la CGT on n’est jamais seul, les camarades sont là pour nous permettre de concilier tout cela. Je jongle, parfois avec plus ou moins de succès. Mais les textes sont clairs, nous avons la chance de disposer de temps de délégation qui sont toujours bien remplis et optimisés ! Nous ne pouvons pas nous plaindre quand on connaît le sort des camarades qui travaillent dans des petites collectivités ou dans des PME.
Quel est l’acte fort que tu retiens de ton dernier mandat ?
La négociation autour du RIFSEEP. Nous, cadres de l’UFICT-CGT avons été véritable-ment les artisans de cet accord qui a conduit une notable évolution du Régime indemnitaire. Nous avons conduit les négociations en imposant comme base méthodologique notre propre chiffrage des évolutions salariales. Nous avons été particulièrement vigilants à ce que l’accord limite les différentiels entre filières, mais également tout ce qui relevait de l’iniquité entre les femmes et les hommes.
Cela a été un gros travail de préparation comme également, la mobilisation de nos collègues. On sait que les cadres ne sont pas enclins à manifester, il a fallu convaincre que le train ne passerait pas deux fois ! Résultat une centaine de cadres managers devant la porte de la Métropole le jour du CT… C’est bien cette action collective qui a fait que la collectivité a revu sa copie à la hausse !
Et puis il y a les actes tout aussi forts qui consistent à accompagner un(e) collègue sur sa situation. C’est moins visible, très exigeant, mais c’est le cœur de notre engagement syndical CGT.
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